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N.B. cet article fait partie d’une série de treize sur la première guerre d’indépendance italienne.

En 1848, Milan était la capitale du royaume de Lombardie-Vénétie, qui faisait partie de l’Empire autrichien. Dans la ville, le mécontentement régnait depuis quelque temps, comme l’avaient démontré en 1846 les scènes de joie qui suivirent l’élection à la papauté de Pie IX, dont les premières décisions politiques (par exemple, l’introduction de la liberté de presse) semblaient incarner l’esprit libéral auquel aspiraient les Milanais.

Le 1er janvier 1848, les habitants lancèrent une campagne anti-autrichienne en boycottant le tabac et les jeux de hasard qui étaient alors des monopoles autrichiens et assuraient à l’Empire plus de cinq millions de lires par an. En représailles, l’archiduc Rainier d’Autriche, vice-roi de Lombardie-Vénétie, ordonna aux soldats de patrouiller dans les rues avec des cigares et d’interpeller les passants pour les inciter à fumer. Ces provocations culminèrent, le 3 janvier, en une sanglante bataille de rue: quelques soldats furent insultés et blessés par des jets de pierre, provoquant l’envoi de divisions, armées d’épées et de baïonnettes, qui chargèrent la foule, tuant 6 et blessant 80 Milanais.

Le maréchal Joseph Radetzky, alors commandant en chef de l’armée autrichienne en Lombardie-Vénitie, horrifié par la réaction disproportionnée de son armée, mit à pied la garnison de Milan pendant cinq jours. Les troubles s’arrêtèrent pendant deux mois, mais  la révolte à Palerme, suivie par la promulgation du Statuto Albertino à Turin et l’octroi de constitutions dans le grand-duché de Toscane et à Rome avaient avivé les espérances démocratiques des Milanais. Ainsi, lorsque la nouvelle des émeutes de Vienne et de la chute du comte de Metternich parvint à Milan le 17 mars 1848, les habitants décidèrent de profiter de l’occasion pour organiser le lendemain une grande manifestation pacifique devant le palais du gouverneur, afin d’exiger des concessions visant à donner plus d’autonomie à Milan et à transférer la responsabilité de l’ordre public à la municipalité.

Le maréchal Radetzky tenait la ville d’une main de fer et n’avait pas l’intention de céder. La manifestation pacifique se transforma en assaut de la population contre la garnison autrichienne. Surpris, Radetzky se réfugia dans le château Sforzesco avec 8 000 hommes. Cependant, il n’était pas assiégé et était encore en possession de presque tous les bâtiments publics. Mais la ville entière était devenue une zone de combat, les habitants érigeant des barricades, tirant par les fenêtres et les toits, envoyant des messages à la population des campagnes pour l’exhorter à prendre part à la lutte. La rareté des armes à feu conduisit les Milanais à utiliser les canons exposés dans les musées. Les routes furent couvertes de fer et de verre afin d’empêcher l’action de la cavalerie. Le 20 mars, Radetzky ordonna à ses hommes de se retrancher à l’intérieur du château, ce qui permit aux Milanais d’accrocher symboliquement le drapeau tricolore sur la flèche de la cathédrale. Un conseil de guerre fut créé sur l’initiative d’Enrico Cernuschi, Giulio Terzaghi, Giorgio Clerici et Carlo Cattaneo et prit le commandement des opérations. Dans la nuit du 21 au 22 mars, un gouvernement provisoire fut mis en place dirigé par Gabrio Casati. La résistance fut organisée avec intelligence et minutie, mettant à contribution les employés du cadastre et les ingénieurs afin de savoir la meilleure façon de se déplacer en ville. Les martinitt (orphelins) furent héroïques en tant que messagers reliant les différents points de la ville avec le conseil de guerre.

La situation semblait bloquée et Radetzky envoya une offre de trêve qui divisa le conseil de guerre entre les modérés et les démocrates. Casati et les nobles étaient partisans d’accepter l’offre et de demander l’aide de Charles-Albert de Savoie qui attendait près de Novarre une demande signée par le gouvernement provisoire pour entrer avec ses troupes en Lombardie-Vénétie. Pour eux, l’intervention des troupes de Savoie était nécessaire pour vaincre l’armée autrichienne dans une véritable campagne militaire et pour prévenir une éventuelle dégénérescence révolutionnaire. Pour les démocrates, dont Cattaneo, Pompeo Litta et Terzaghi, la révolution triompherait d’elle-même, sans aide extérieure, et une alliance avec le roi de Sardaigne ne serait possible qu’à partir d’une position d’égalité. Dans un premier temps, ce sont ces derniers qui gagnèrent et la trêve fut refusée.

Le 22 mars au matin, les rues étaient sous le contrôle des insurgés, tandis que les Autrichiens étaient réfugiés au château Sforzesco. Voyant la situation sans issue, Radetzky ordonna la retraite en bon ordre de ses troupes et se réfugia vers le « quadrilatère » formé par les forteresses de Peschiera, Mantoue, Legnago et Vérone, laissant le reste du territoire de Lombardie-Vénétie libre. Au même moment, pour des raisons politiques, le conseil de guerre de Milan dépêcha un messager à Turin pour demander officiellement l’entrée des troupes de Savoie en Lombardie et, le 23 mars, Charles-Albert déclara la guerre à l’Autriche. La première guerre d’indépendance de l’Italie commençait.

Cette insurrection constitua, pour les Italiens, un des actes les plus glorieux du Risorgimento. Il fut le premier épisode qui démontra l’efficacité d’une initiative populaire qui, emmenée par des hommes conscients des objectifs de la lutte, influencèrent les décisions du roi Charles-Albert de Savoie.

En mémoire de ces journées, le journal officiel du gouvernement temporaire fut simplement nommé Il 22 marzo. En 1893, un monument commémorant le soulèvement fut érigé à la Porte Vittoria par le sculpteur Giuseppe Grandi.

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