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Fortezza Svevo Angioina di Lucera - Foggia

L’histoire de Lucera peut être illustrée par les noms qu’elle porta au cours des siècles: la Luceria romaine devint en 1233 la Lugêrah musulmane (ou Lucaera Saracenorum), en 1300 la Civita Sancte Marie chrétienne et au début du XVIe siècle la Lucera italienne actuelle.

La parenthèse arabe est un événement historique qui mérite d’être relaté pour comprendre l’histoire du château. Lorsque l’empereur Frédéric II du Saint-Empire hérita, par sa mère Constance de Hauteville, du royaume de Sicile, il hérita également des frustrations que ressentaient les musulmans d’avoir perdu l’Ar-ard al-Kabira (la Grande Terre), comme ils appelaient la Sicile. Les noyaux de résistance étaient nombreux dans le centre et à l’ouest de l’île et l’empereur décida, en 1233, d’expulser hors de l’île les éléments les plus belliqueux et de les réinstaller sur la péninsule. Sur les 60 000 musulmans expulsés, 20 000 furent emmenés à Lucera, 30 000 dans le reste des Pouilles et 10 000 dans les autres provinces.

Les musulmans de Lucera étaient étroitement surveillés, subissaient une taxe impériale de 10 % sur leurs revenus et étaient soumis au service militaire, mais ils bénéficiaient également de droits. Ils étaient autorisés à cultiver les champs, à posséder des terrains et des habitations, à pratiquer la médecine (domaine dans lequel ils excellaient) et à faire du commerce. Comme Lucera avait reçu en 1234 l’autorisation impériale de tenir une foire annuelle, les marchands musulmans avaient le droit de voyager à travers le pays pour se rendre dans toutes les autres foires des territoires de l’empereur, sauf dans celles de Sicile.

Fortezza - Author: Aerial Archaeology

Les relations avec les chrétiens étaient tendues, mais les musulmans étaient défendus par Frédéric II qui voyait dans cette nouvelle configuration géopolitique le plus sûr moyen de pacifier le pays. Afin de montrer clairement son soutien à la communauté musulmane, il fit construire un palais impérial à Lucera et il autorisa les nouveaux habitants à remplacer le plan carré romain par un dédale de rues caractéristique des villes arabes et à construire des mosquées, des minarets et des harems. En 1240, la petite ville était devenue une florissante bourgade arabe, la bourdonnante Lugêrah, dans laquelle il ne restait, selon des statistiques certainement exagérées, qu’une poignée de chrétiens.

La politique de l’empereur avait réussi: les Sarrasins s’engagèrent à pacifier les populations musulmanes des Pouilles. Malheureusement, ce fut de courte durée. Dès la mort de Frédéric II en 1250, son royaume se trouva déchiré entre l’héritier naturel, Manfred, et un usurpateur, Charles d’Anjou. Ce dernier était soutenu par la papauté à Rome, alors que Manfred avait toute la communauté musulmane, loyale à la mémoire de l’empereur, derrière lui. La dispute fut réglée le 26 février 1266, à la bataille de Bénévent, lorsque les armées de Manfred furent mises en déroute et Manfred tué sur le champ de bataille. Lucera se tourna alors contre Charles Ier qui envoya son armée pour soumettre la cité, mais qui respecta cependant les privilèges des habitants en contre-partie d’un très lourd tribut.

Son successeur, Charles II, ne fut pas si regardant: après une nouvelle rebellion des Sarrasins de Lucera contre la Maison d’Anjou, le roi soutenu par le pape organisa la « Croisade angevine ». Le siège, mené par Giovanni Pipino da Barletta, fut long et aboutit à la destruction de la ville entre le 15 et le 25 août 1300. Les mosquées furent démolies et les habitants massacrés ou vendus comme esclaves. On déterra une statue de la Vierge cachée dans l’église de Santa Maria della Tribuna et Lugêrah devint la Ville de Sainte-Marie. Parenthèse fermée…

Le palais de Frédéric II, construit en 1233, se trouve sur le sommet de la colline Monte Albano, à l’endroit où se trouvait l’antique acropole romaine, et était défendu sur deux côtés par des falaises abruptes. C’était un bâtiment de trois niveaux, à base carrée avec une cour centrale qui présentait la particularité d’être carrée sur les deux premiers niveaux et octogonale sur le troisième, non sans rappeler Castel del Monte près d’Andria. Sous la cour, une citerne profonde de 14 mètres assurait l’approvisionnement en eau. Une autre particularité était qu’il n’y avait pas de porte au rez-de-chaussée: l’entrée se faisait soit par des échelles déroulantes, soit par des passages souterrains.

Fortezza Lucera - Author: archeologiadigitale

Lorsque Charles Ier soumit la cité en 1267, il agrandit les murailles pour englober les habitations environnantes, créant ainsi une forteresse de grande envergure pour y loger une garnison militaire permanente. Le rempart, de 900 mètres de long, était défendu par 13 tours carrées, 2 tours pentagonales, 7 contreforts et 2 tours cylindriques, l’une appelée le Roi (ou le Lion) et l’autre, plus imposante, la Reine (ou la Lionne). L’accès se faisait par quatre portes, située aux quatre points cardinaux. A l’intérieur du bastion, le palais de Frédéric II fut modifié pour permettre une entrée plus facile et on construisit une église franciscaine.

La structure fut gravement endommagée lors du tremblement de terre de 1456 et, au XVIIIe siècle, elle fut presque totalement démolie pour la construction de l’actuel tribunal de Lucera. En 1871, la forteresse fut déclarée monument national et, dans les années 1930, elle fut en partie restaurée.

En 1976, la forteresse servit de décor au film Il soldato di ventura de Pasquale Festa Campanile qui raconte dans un style comique et burlesque le Défi de Barletta.

Lucera - Author: NordNordWest

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